Vehap Shehi est un architecte, designer et artiste plasticien né à Bruxelles en 1977.
« Des tableaux-maquettes, ni en deux ni en trois dimensions mais à l’intersection des deux ; au croisement de l’art et de l’architecture ; du graphisme et du maquettisme. Pas étonnant pour un architecte artiste – qui est autant l’inverse – et qui baigne quotidiennement dans un univers de lignes et d’espaces orthogonaux. Pour ses perspectives abstraites qu’il a baptisées Strktur*, il se détache des contraintes inhérentes à l’exercice de l’architecture (stabilité, exécution, lois physiques, réalités financières…) au quotidien. Il perturbe l’ordre des lignes droites et perpendiculaires, explore l’oblique et la courbe et le lien entre le relief et l’incliné. Ses lignes et ses strates engendrent des espaces mis sous tension. Des interstices résiduels émergent et participent à la composition où les perspectives s’ouvrent et se referment pour faire vivre et vibrer la matière. Celle-ci est élémentaire, basique ; sa mise en œuvre recourt aux outils de l’architecte : du papier et un crayon pour l’ébauche ; ensuite du carton, un cutter, une latte et un tapis de coupe. Le bois, l’aluminium, l’ardoise et le plexi figurent aussi parmi ses supports de prédilection. Pas de couleur, exclusivement du noir et blanc, ou alors celles des matières naturelles. Un strict minimum pour atteindre l’essence et questionner l’espace, la pratique usuelle de l’architecture, la société, ses signes, ses failles, ses symboles, ses dysfonctionnements.
Cette démarche, instinctive et intuitive, replonge l’architecte à l’époque de sa dernière année d’études, lorsqu’il expérimentait l’espace et les formes dans des maquettes architecturales. Ses récentes Strktur* en sont le prolongement logique. Elles naissent à même la matière, de la même façon qu’une architecture émergerait du sol au point d’abolir les limites entre la nature et le bâti. Lignes, plis, marques, découpes, soulèvements, croisements, retraits, mouvements, détachements, évidements… marquent ses cartons et donnent corps à une composition où les cicatrices, les interstices résiduels prennent toute leur importance. Projections des malaises de la société, de ses failles culturelles et politiques, autant d’images mentales d’un système collectif et d’un déracinement personnel, ces paysages abstraits atteignent pourtant un équilibre. La composition alterne les zones de tensions et de repos. Le calme et la quiétude s’hérissent de signes, les surfaces lisses sont incisées par endroit, elles se soulèvent d’un côté et glissent ou s’enfoncent de l’autre. Approche romantique dans ce qu’elle a d’intuitif et d’impulsif au départ, elle joue des règles et des conventions dans un esprit puriste et minimaliste. L’épure, la géométrie, la série imprègnent les objets de Vehap Shehi qui connaissent aussi des prolongements dans ses projets d’architecte et d’artiste. Quelques compositions sur papier mais aussi une série de peintures sur ardoises laissent poindre la dimension sensible et tactile de sa production. » Laure Eggericx
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